Colorants végétaux : pour faire rayonner la filière
Connu pour ses activités autour de l'ingénierie des serres ou des plantes de toitures et murs végétalisés, l'Arrdhor abrite aussi une activité pour laquelle il est devenu leader européen : les colorants et pigments végétaux. Un secteur de niche... et de diversification pour l'horticulture ?
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Renouant avec le riche passé horticole de la ville en lien avec son activité portuaire d'autrefois, l'Arrdhor Critt horticole de Rochefort-sur-Mer (17) a été créé en 1989, par deux ingénieurs dont Anne de la Sayette, actuelle directrice. D'abord centré sur le domaine de l'ingénierie des serres et l'appui aux entreprises horticoles de la région (bégonias, jeunes plants, plantes en pot), il a ensuite cherché à développer de nouvelles compétences. C'est à la fin des années 1990 que ce centre de recherche et développement commence à s'intéresser aux colorants et pigments végétaux, à la suite d'un échange avec des spécialistes de la restauration de monuments et oeuvres d'art, pour des travaux engagés sur l'église Notre-Dame-la-Grande, à Poitiers (86). Une première étude est consacrée à l'analyse des besoins dans ce domaine et le constat est là : il existe un marché pour des produits colorants d'origine végétale, non seulement dans ce secteur de la restauration, mais aussi dans celui de la production industrielle. Commence alors un long parcours de près d'une dizaine d'années pour développer une véritable filière devenue aujourd'hui leader sur le plan européen.
Retrouver des connaissances oubliées
« Lorsque nous avons démarré ce projet, nous avions peu de données techniques. Il existait sur le marché des colorants alimentaires d'origine végétale, mais il n'était pas envisageable de s'inspirer des procédures de fabrication, car les exigences ne sont pas les mêmes, notamment en ce qui concerne la stabilité à la lumière. Notre premier travail a donc été de réaliser des recherches poussées sur les plantes tinctoriales, car les savoirs autour de celles-ci avaient été oubliés avec l'avènement de la chimie de synthèse, en expansion à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Des plantes comme la garance, le pastel ou encore le réséda étaient jusqu'alors cultivées sur des milliers d'hectares en France », souligne Anne de la Sayette. À partir d'éléments historiques, des conseils de « la » spécialiste des plantes tinctoriales Dominique Cardon, directrice de recherche au CNRS, ainsi que des échanges avec les producteurs horticoles de la région et l'Iteipmai (institut technique interprofessionel des plantes médicinales, à parfums et aromatiques), l'Arrdhor se constitue une collection de plantes tinctoriales.
Développer une filière
Dans un second temps, l'association développe des itinéraires techniques pour la culture à grande échelle de ces plantes et de nouvelles méthodes d'extraction plus respectueuses de l'environnement que celles utilisées autrefois, en conformité avec la réglementation en vigueur. « L'une des premières difficultés a été de trouver, pour chaque espèce, la variété ou l'écotype le plus adapté à nos besoins. C'est-à-dire la plante qui, pour une biomasse sèche donnée, a le meilleur potentiel colorimétrique, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Pour l'évaluer, nous avons élaboré un test de référence sur un carré de soie. » Les plantes sont cultivées par des agriculteurs dans le cadre d'une convention de partenariat qui permet de définir avec précision l'itinéraire technique (densité de plantation, fertilisation, arrosage, traitements, période et méthodes de récolte...). L'ensemble des plantes originaires des milieux tempérés sont cultivées en plein champ sur la région Poitou-Charentes (50 % des plantes tinctoriales). Pour les végétaux tropicaux, l'achat se fait soit sous forme de matière première (par exemple les bois) ou de pigment (comme Indigo d'Inde).
Un marché en expansion
Comment expliquer le succès de cette filière ? Pour Anne de la Sayette, il y a plusieurs aspects. Tout d'abord, l'engouement pour les produits « naturels » et plus respectueux de l'environnement dans leur processus de fabrication est grandissant depuis une dizaine d'années. La production est réalisée selon des principes de culture raisonnée avec peu d'intrants et d'irrigation. L'extraction ne met en jeu que de l'eau et de l'alcool et une grande partie des résidus sont recyclés au champ. En outre, les teintures végétales sont réputées non allergisantes et la demande est croissante pour les fabricants de vêtements en matières naturelles (coton, soie, lin, chanvre, laine). Tous les produits proposés sont référencés par la REACH (règlement du Parlement et du Conseil européen dont l'objectif est d'améliorer la protection de la santé humaine et de l'environnement) et ceux destinés au marché du textile sont certifiés conformes au label international des textiles biologiques.
D'autre part, aux dires des spécialistes, les pigments ou colorants végétaux permettent d'obtenir des teintes plus subtiles que celles obtenues par la chimie de synthèse. En effet, dans une plante, le pouvoir colorant est le plus généralement lié à un complexe de plusieurs molécules, plus d'une vingtaine par exemple pour la garance. Lorsque l'on fabrique un colorant chimique, on ne reproduit qu'un petit nombre de celle-ci, d'où une couleur moins « fine » sur le plan visuel.
Changer de dimension
Afin de répondre à l'expansion du marché, une nouvelle structure indépendante a été créée en 2005, Couleurs de Plantes. En effet, si l'Arrdhor sait fabriquer des petites quantités de colorants et apporte régulièrement son expertise sur les potentiels de nouvelles plantes et les méthodes de valorisation adaptées, elle n'est pas équipée et structurée pour passer à une fabrication à grande échelle, pour plusieurs centaines de kilogrammes. C'est donc Couleur de Plantes qui exploite les savoir-faire du Critt, organise avec des partenaires la production, le séchage et broyage, l'extraction et l'élaboration des pigments et colorants en grande quantité ainsi que la commercialisation. L'industrie cosmétique (rouges à lèvres, fards à paupières, teintures pour cheveux...), le secteur du textile, des peintures pour le bâtiment et la décoration, et plus récemment des biomatériaux représentent 80 % de la clientèle, le reste étant principalement composé de PME et artisans auxquels s'ajoutent quelques particuliers. La gamme de produits « standardisés » proposée est composée de 24 colorants et 18 pigments.
En 2011, l'Arrdhor a organisé le symposium international sur les teintures et colorants naturels à La Rochelle (17), réunissant plus de 500 personnes venues de 56 pays différents. Une belle occasion de faire connaître et rayonner ce Critt horticole et la région Poitou-Charentes.
Yaël Haddad
ProcédéDe gauche à droite : fleurs de réséda séchées, pigment, colorant, tissu teinté. PHOTO : YAËL HADDAD
RécolteRécolte de cosmos. Cette plante donne des colorants aux tons jaune et orange. PHOTO : ARRDHOR
TeintureTeinture de tissu à partir de pigment de réséda permettant d'obtenir du jaune. PHOTO : ARRDHOR
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